Dans ton label

Dans ton label #13 : Kids are Lo-Fi Records

À côté de majors qui occupent une large partie du terrain, les labels indépendants se démènent pour faire vivre des projets à taille humaine, bien souvent à contre-sens de tout objectif commercial et lucratif. À la tête de ces projets, on retrouve des guerriers multi-fonctions aux méthodes et profils divers et variés. Aujourd’hui, on part à la découverte de Kids are Lo-Fi Records, label rouennais né en 2018 à l’occasion de la sortie du premier album du même nom de We Hate You Please Die et qui prône depuis lors une musique furieuse et puissante au fil de ses signatures.
 

Pouvez-vous vous présenter ?

Kids Are Lo-fi Records est né à Rouen en octobre 2018, à la sortie de l’album Kids Are Lo-Fi de We Hate You Please Die. L’idée de monter le label est apparue très naturellement, après qu’on se soit rendus compte que tout le travail de coordination, de mise en fabrication et de distribution qu’on préparait pour la sortie de l’album s’apparentait au travail d’un label. A partir de là on s’est dit “Eh mais puisque on a réussi à sortir notre album comme ça, pourquoi pas se structurer plus officiellement et sortir des travaux d’autres groupes?”. A la base il y avait donc Joseph et Raphael, puis au printemps 2019 quand on a commencé à travailler avec d’autres groupes (Seasonal Affective Disorder et Kumusta), Ludivine a rejoint l’équipe.
 

Pourquoi et comment avoir choisi ce nom de label ?

On a choisi d’utiliser le nom du premier album qu’on ait sorti car ça faisait un bon point de départ et un marqueur temporel assez symbolique. D’un autre coté le sens de ce nom imageait bien la façon dont on allait travailler, du moins au début, et notre état d’esprit. “Kids Are Lo-Fi” pour nous ça signifie pas mal de chose, à la fois l’éternel conflit générationnel, social et politique, les (grands) enfants détraqués par des normes imposées et par les non-sens de la vie. Le choix de ce nom c’est pas pour accepter cette fatalité, mais au contraire pour la reconnaître et essayer s’y retrouver un peu mieux dans le monde au 21ème siècle.
 

Que défendez-vous sur votre label ?

On ne défend pas une esthétique particulière, mais plutôt une façon de faire ou de travailler. Il a peu de sorties pour l’instant, mais déjà les styles sont assez différents. On aime bien l’idée de proposer des choses variées, mais surtout avec des artistes avec lesquels on est en phase. On n’impose aucune direction artistique avec les groupes, tout se fait très naturellement et librement. On défend aussi la façon de faire un peu bricolée, faite de pas grand chose et issue de collaborations avec des ami.e.s et des gens qu’on apprécie. Le but c’est pas de monter des business plans internationaux à tout prix, mais surtout d’aider des groupes chacun à son échelle et selon ses envies.
 

Quels morceaux résument au mieux la politique de votre label ? (trois au choix)

Seasonal Affective Disorder – “La Plage” :

Kumusta – “Poor” :

We Hate You Please Die – “Coca Collapse” :


 

Votre plus gros succès jusqu’ici ?

On a pas encore beaucoup de recul car le label à seulement un an et demi, mais jusque là on a pas mal vendu et diffusé Kids Are Lo-Fi de WHYPD, avec environ 600 vinyles et 1000 CDs vendus, une petite centaine de K7, 4 clips et pas mal de concerts.
 

Quelle est votre journée type ?

Compliqué ! C’est tellement varié qu’on ne pourrait même pas faire “un peu de tout” en une seule journée.
Autour d’une sortie ça passe par beaucoup de mailing pour la diffusion, fournir du matériel promo (titres à écouter, visuels) pour essayer de les faire chroniquer, passer en radio, trouver des exclus pour les clip etc. Après il y a beaucoup de taf pour les mises en fabrication de disques, de K7, en général on a les visuels et les morceaux masterisés fournis par les groupes, mais parfois on fait ça nous même ou alors on travaille avec des copains pour mettre ça au point. Après ça il y a tout un tas de formalités techniques et légales pour lancer une fabrication.

On passe aussi pas mal de temps à gérer la distribution, en dépôt chez des disquaires ou via les commandes en ligne sur Bandcamp (les allers-retours à la poste toutes les semaines c’est un plaisir), gérer les stocks pour savoir si on relance ou non une fabrication, le tout en essayant de pas se planter dans la compta car on a pas de subvention ni de mécène.

C’est aussi assez énergivore de gérer tout l’administratif de la structure qui est pour l’instant une association. On se cause en général tous ensemble à distance pour se mettre d’accords et prendre des décisions, mais on passe surtout beaucoup de temps à apprendre à faire tout ça. Au début c’est long et fastidieux mais une fois qu’on a le coup de main on avance bien plus vite !
 

Indépendant, underground, DIY : même bateau ou pas ? Ça veut encore dire quelque chose pour vous ?

Aujourd’hui la plupart des groupes s’auto-gèrent en DIY, et c’est une très bonne chose car c’est hyper formateur. Tout ça est tellement plus simple depuis 20 ans avec internet, comme ça devient très accessible de faire (presque) tout soi même, de l’apprentissage d’un instrument jusqu’à la diffusion en passant par l’enregistrement, le mixage, la communication et tout le reste. Et puis chacun gère son projet comme il l’entend, certains groupes peuvent être très autonomes sur la comm et pas de tout sur la partie technique, ou inversement. En tout cas nous on essaye d’apporter ce dont les groupes ont besoin, mais on est nous même pas des pros à la base alors tout le monde apprend plein de choses c’est beaucoup plus intéressant que d’attendre dans son coin de se faire repérer par un major ou une maison de disque avec des plannings bouclés 3 ans à l’avance.
 

Comment signer sur votre label ? Vous acceptez les pots-de-vin ?

Ca marche vraiment à l’affect musical et humain. Jusque là on fonctionne de façon assez locale (les trois groupes sont de Rouen) mais on est pas du tout fermé.e.s à l’idée d’aller voir plus loin en France ou à l’international. Les pots-de-vin on ne nous a jamais proposé, on verra bien si le cas se présente mais dans tous les cas si on aime pas on sera pas partant.e.s !
 

Le futur de la musique, c’est quoi, quand et où ?

C’est partout.

Comme on disait plus haut, aujourd’hui c’est tellement simple de proposer de la musique (qu’elle soit live ou enregistrée) que les idées innovantes peuvent venir d’absolument n’importe où. Plus concrètement on est super contents de voir la synergie actuelle à Rouen, avec des concerts toutes les semaines (hors période de Covid en tout cas), des dizaines de groupes qui fourmillent et qui produisent tous des choses super intéressantes, le tout en arrivant à s’exporter. On a le sentiment d’appartenir à une dynamique très riche et ça amène une forme de fierté. A l’échelle nationale certain.e.s disent aujourd’hui que Rouen a une place centrale dans la proposition musicale, mais demain ce sera peut-être d’autres villes et tant mieux, il faut que tout ça ait lieu partout et que les dynamiques naissent de partout.
 

Un artiste (vivant ou non) ou un album que vous auriez aimé sortir ?

“Melted” de Ty Segall a eu 10 ans il y a quelques jours, il incarne vraiment une référence en terme d’esthétique “bricolée mais on s’en fout”. L’album est plein de tubes en puissances, mais il sonne très maison. Le type n’a pas attendu d’être accompagné par des structures gigantesques pour proposer et diffuser ses chansons, et le résultat est d’autant plus sincère et touchant car l’essentiel est là et a une âme.
 

Votre dernière/prochaine sortie ?

Début mai on a sorti l’EP 3 titres “Waiting Room” de We Hate You Please Die, issu d’une session d’enregistrement de fin 2019. Le confinement s’annonçait un peu ennuyeux pour tout le monde, donc on a pris la décision de sortir ces titres et de faire presser une courte série de CD, en vente à 3€ sur notre page Bandcamp.

Pour la suite les trois groupes travaillent déjà sur des nouveautés, Kumusta devrait enregistrer et sortir un nouvel EP d’ici quelques mois, Seasonal Affective Disorder a enregistré plusieurs nouveaux titres également, et We Hate You Please Die prépare un second album pour début 2021. Du coup c’est un peu la course, on ne sait pas encore trop qui sortira en premier, mais ça on en parlera évidemment en temps utile.
 

Waiting Room de We Hate You Please Die est disponible ici. Retrouvez le catalogue de Kids are Lo-Fi Records ici.