Dans ton label

Dans ton label #5 : In Silico

À côté de majors qui occupent une large partie du terrain, les labels indépendants se démènent pour faire vivre des projets à taille humaine, bien souvent à contre-sens de tout objectif commercial et lucratif. À la tête de ces projets, on retrouve des guerriers multi-fonctions aux méthodes et profils divers et variés. Aujourd’hui, on part à la découverte du label parisien In Silico, temple à huit mains de chansons émotives et poétiques.
 

Pouvez-vous vous présenter ?

On est in silico, comme inscrit dans le titre ci-dessus. Et dans le civil, on s’appelle Thibault, Hadrien, Jean et Xavier. On est avant tout potes depuis un long moment, certains se connaissent depuis l’enfance. En gros, notre activité se concentre autour de la musique, mais on ne se fixe pas trop de frontières, certains d’entre nous bossent dans le numérique , d’autres dans la vidéo, d’autres dans l’écriture, et on compte se servir un peu de tous ces trucs là pour la suite.
 

Pourquoi et comment avoir choisi ce nom de label ?

Au départ on avait un nom qui nous plaisait mais qui était vraiment assez sombre et qui allait finir par nous enfermer dans notre propre cliché. On aime bien la radicalité mais là c’était vraiment trop. En buvant des bières chez l’un de nous un soir, on est tombé sur le nom d’in silico : c’est un truc informatique qui signifie «à l’intérieur de l’ordinateur », en latin. Et c’est aussi une technique utilisée en médecine. Comme on a un petit côté asocial, qu’on est beaucoup derrière nos écrans (comme tout le monde) et qu’on aime bien la musique qui soigne les plaies, ça nous allait plutôt bien.
 

Que défendez-vous sur votre label ?

Des projets à la fois pop et exigeants. On écoute énormément de choses différentes, mais ce qui nous intéresse c’est d’entendre des choses sincères, assez brutes et sensibles mais qui peuvent plaire aux gens qui ne sont pas spécialement des nerds de la musique. Accessoirement, c’est cliché mais on est avant tout passionnés par la beauté.
 

Quels morceaux résument au mieux la politique de votre label ? (trois au choix)

Super compliqué comme question ! Du coup désolés on va resquiller un peu mais on va prendre quatre sorties, dont deux ne sont pas encore parues : le disque de Fiasco, Duel, qu’on a sorti en mars dernier, l’EP d’Heliums qui arrive très vite et les albums de Waterwalls et Uneima, qui sont tous les deux très beaux, dans un style différent.
 

Votre plus gros succès jusqu’ici ?

Duel, de Fiasco a plutôt bien marché et c’est un peu une fierté vu qu’on a fait ça seuls, sans l’appui d’aucune structure ni de personne. Mine de rien c’est assez rare, même chez les indépendants, de sortir des choses sans distributeurs ni attachés de presse etc.
 

Quelle est votre journée type ?

Alors ça dépend de chacun. Certains ont des CDI à côté donc ils se lèvent, vont au travail, voient leur copine ou sortent le soir. Pour d’autres c’est beaucoup plus bordélique haha. Mais en tant que label ça se résume, en gros, à écouter / faire de la musique, envoyer des mails, passer des coups de téléphone, boire des cafés avec des gens pour organiser quelques trucs, faire des réunions autour de quelques bières, et aller en concert ou en soirée ensemble.
 

Indépendant, underground, DIY : même bateau ou pas ? Ça veut encore dire quelque chose pour vous ?

Ca veut tout et rien dire. Beaucoup de labels qui sont définis ou se définissent comme indépendants ont en fait des structures et/ou des subventions derrière eux, donc on n’est pas certain que ça ait beaucoup de sens de se définir comme tels dans ce cas là. C’est chouette et nécessaire de recevoir 6000 euros d’aide du ministère pour la conception d’un disque, mais est-ce que c’est vraiment honnête de se définir comme indépendant dans ces cas là ? Nous on a maintenant un distributeur derrière, qui nous aide un peu, on n’a pas de subventions (mais si ça arrivait on ne cracherait pas dessus par souci d’économie) et on a un vrai coté DIY vu qu’on fait nos cassettes seuls du début jusqu’à la fin. Donc on est dans une sorte d’entre deux, comme beaucoup.

Après ça ne reste que des mots et au vu de l’état des finances du milieu de la musique, en dehors des grosses maisons de disques, tout le monde a besoin de sous. Du coup c’est en un sens normal de prendre ce qu’il y a à prendre, ce ne sont pas nos comptes en banque qui vont nous faire dire le contraire. En revanche il y a de vrais labels indés comme Hidden Bay Records, ou des éditeurs comme Acédie 58, qu’on connait un peu et qui font tout tous seuls ; et on tient d’ailleurs à saluer leur super boulot. Concernant l’underground, c’est juste une question de marcher ou non, et il y a plein de facteurs là-dessus : l’envie, la chance, la mode, l’image, qui est prépondérante aujourd’hui ; et puis le talent bien sûr. On connait pas mal de choses qui restent très souterraines mais qui mériteraient mieux : c’est un peu nul mais ça a aussi toujours été le jeu.
 

Comment signer sur votre label ? Vous acceptez les pots-de-vin ?

Nous faire pleurer et danser, idéalement les deux à la fois. On ne nous a jamais proposé de pot de vin mais que ce soit au sens figuré ou au sens propre qui sait, en fonction de notre humeur ça peut marcher.
 

Le futur de la musique, c’est quoi, quand et où ?

Au concert des Hoorsees, un mec ivre est venu nous dire, à nous et au chanteur, qu’on devait inventer la musique des années 2020. On a bien rigolé mais du coup là on est en 2020 et on n’a toujours pas compris ce que pourrait être la musique de cette décennie. Ce sera peut-être des chansons créées par des intelligences artificielles mais les humains sont quand même plus sympas que les robots, en dépit de leurs défauts. Et puis c’est peut être aussi bien de s’intéresser au présent plutôt qu’au passé ou au futur.
 

Un artiste (vivant ou non) ou un album que vous auriez aimé sortir ?

Xavier : Je n’ai jamais caché mon admiration pour ce que fait Hyacinthe (et le crew DFHDGB en général d’ailleurs), donc c’était super cool de ressortir SLRA2 en cassette. A part ça si je devais en choisir un je dirais peut-être Wu Lyf, PNL ou The Dead Mantra.

Hadrien : L’album Rouge des Beatles (The Beatles / 1962-1966) est sans doute le premier album que j’ai écouté en boucle quand j’étais petit donc je dirai celui là. Sinon plus récemment probablement l’album 10 000 Hertz Legend de Air, que j’écoute en boucle en ce moment.

Jean : J’ai beaucoup d’affection pour la Bretagne où j’ai vécu, donc je vais dire Born Idiot dont j’ai adoré le premier album et Lesneu que je trouve incroyable. Dans un autre registre, l’album Reproductions d’Arnaud Fleurent-Didier qui est un chef d’œuvre absolu.

Thibault : Polaar de Maud Geffray, est un de mes albums préférés de ces dernières années. Et j’aurais adoré que ce soit une de nos sorties.
 

Votre dernière/prochaine sortie ?

Les deux dernières c’étaient Anom, de Waterwalls, un album a la fois beau et triste sorti sans single ni promo, et la réédition de Hyacinthe, SLRA2, en cassette. C’est un album assez violent mais très pur, en un sens ; et c’était marrant de faire ça. Et la prochaine ce sera l’EP des Heliums, dont on est super fiers, et d’autres choses dont l’album de Uneima, donc, et un autre groupe qu’on a récemment signé.
 


 

Anom de Waterwalls est disponible ici. SLRA 2 de Hyacinthe est disponible ici.

In Silico sera en DJ set le 14 mars au Motel (event) et Heliums sera en concert le 16 mars à l’Olympic Café (event).