En Quêtes

En Quêtes #4 : Jazzboy

Photo : Louise Desnos

Le passé est beaucoup plus sûr : tout ce qu’il englobe a déjà eu lieu. On ne peut rien y changer, donc, d’une certaine façon, il n’y a rien à redouter. – Margaret Atwood

Electron libre de la scène française, on avait déjà remarqué Jules Cassignol au sein de la formation Las Aves en tant que guitariste, puis à partir de 2017 sous son pseudonyme et projet solo Jazzboy avec son premier EP Jesus Jazz, paru l’année d’après. L’opportunité pour le musicien de dévoiler sa sensibilité personnelle dans un univers haut (perché) en couleurs, destructuré, souvent mélancolique.

Au printemps dernier en plein confinement, c’est avec le clip “Jazzapocalypse” qu’il annonçait la sortie d’un double EP du même nom prévu pour début juin. Sortie finalement repoussée de quelques semaines “par respect et en solidarité avec la lutte actuelle (…) pour ne pas occuper l’espace digital”, qui a cependant (et malheureusement) trouvé bien peu d’écho dans la presse musicale française, et pourtant. Si les deux volumes de Jazzapocalypse sont issus du vacillement et de la rupture personnelle de Jazzboy, ils se transforment à l’écoute en un parfait miroir des bouleversements que chacun a vécu et vit encore cette année.

Entre la pop futuriste (“Cellophane”, “Happy or not?”) du premier volume chanté et les compositions électroniques – virant de l’ambient au jazz – du second entièrement instrumental, il y est question de la métamorphose de l’esprit, de changement de paradigme pour se reconstruire, sans pour autant tomber dans le pathos. Une puissance de vie qui prend forme sur les rythmes bruts de “The Sound of Metamorphosis” notamment, qui pourrait bien être la bande son d’une fin du monde imminente. Présent aussi dans ce second volume, un rapport mystique, quasi religieux (“The Sound of Life”) à l’effondrement de soi et à ce qui nous entoure et des rappels discrets d’influences comme Philip Glass ou Arvo Pärt. Happés et touchés par cette transcendance et par l’écho si vibrant de l’œuvre sur notre situation actuelle (“Xmas Will Never Happen Again” à titre d’exemple), on a proposé à Jazzboy de répondre à nos quelques questions d’En Quêtes.
 


 

Qu’aimerais-tu apporter comme questionnement(s) au travers de Jazzapocalypse ?

J’ai exploré les questionnements qui entourent le phénomène de la métamorphose, du changement : ce qu’il reste une fois que tout s’est écroulé, les éléments que l’on choisit de ramasser pour reconstruire, et l’apparence de cette nouvelle construction.
 

Qu’aimerais-tu voir évoluer dans notre société, dans le regard qu’elle porte à notre monde ?

Parmi toutes les choses évidentes que j’aimerais voir évoluer, il y a la question de domination sociale que je trouve primordiale, parce que trop présente, y compris dans des petits cercles et groupes sociaux. C’est pour moi un énorme frein à la formation de personnalité(s) libre(s), une sorte d’enclos invisible très dangereux.
 

Pourquoi l’évasion que procure la musique, et l’art de manière générale, est essentielle selon toi ?

Je ne pense pas que la musique ou l’art se limite à l’évasion, je pense justement que sa force réside en sa capacité à infiltrer la réalité, à y rajouter une dimension qui permet d’appréhender l’ineffable de manière très intuitive. Une sorte de langage magique qui fonctionne par l’émotion, et qui du coup échappe à beaucoup de nos “sentinelles mentales” mises en place par notre société et nous même. Comme si, inconsciemment, on créait pour contourner les carcans que nous nous sommes construits. En ça, l’art est selon moi la meilleure façon de se rapprocher du sentiment de Liberté, et donc de nous même.
 

Qui t’inspire par ses valeurs, sa voix ?

C’est un peu corny (désolé), mais je pense sincèrement que ma copine Lucie est la personne qui m’inspire le plus.
 

De quoi es-tu en quête ?

D’une forme de pureté.
 

Quel est ton geste engagé au quotidien ?

M’informer, et créer.
 

On te laisse clôturer cet entretien par une citation et un morceau qui pour toi reflètent ce que l’on a évoqué jusque là.

Talking about music is like dancing on architecture – Frank Zappa

Popol Vuh – “Aguirre I (L’acrime di rei)
 

Jazzapocalypse Vol.1 est disponible ici et Jazzapocalypse Vol. 2 est disponible ici.