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Marble Arch : Tous unis dans la galère

Photo : Yohan Burel

“Don’t turn around, there’s nothing wrong”. Au tout début, il faisait saigner sa guitare au sein du groupe rennais Maria False. Si ses premières compositions solo étaient destinées à n’exister que pour les murs de sa chambre d’étudiant, Yann Le Razavet a parcouru du chemin depuis la sortie de son premier album The Bloom of Division paru en 2014 sur les labels parisiens Le Turc Mécanique et Requiem Pour Un Twister.

Quel plaisir alors, que de re-découvrir Marble Arch à travers un deuxième long-format. À vrai dire, le premier véritablement conçu comme un album selon l’intéressé. Les Enfants de la Crise littéralement : de quoi imaginer un sommaire rudement sombre mais il n’en est rien. Si Yann Le Razavet n’a plus tout à fait l’âge d’être invité à Neverland, le chanteur trentenaire voue (encore) une certaine fascination à l’égard de l’univers de l’enfance, des souvenirs et de la nostalgie qui s’en dégage. Mais est-ce que « c’était mieux avant »? Cet album qui se déroule autour d’une production plus raffinée et d’un virage pop faisant la part belle aux mélodies démontre le contraire.

Ni vraiment pop, ni véritablement shoegaze, on ressent à travers ces nouvelles compositions une part de rêve et d’illusions perdues sans pour autant regretter aujourd’hui : les pièces “Monstruck”, “Your Song” et “Leave It » en sont la preuve vivante. C’est une légère lumière que l’on voit au bout du tunnel, en traversant ces chansons tantôt réjouissantes, tantôt mélancoliques. Et c’est probablement ce que s’évertue à retranscrire le groupe lorsqu’il est sur scène, comme récemment à La Route du Rock Hiver, au Point Ephémère ou encore au festival Nouvelles Scènes à Niort.

On a interviewé Yann Le Razavet un mois avant la sortie Children of the Slump, pour en apprendre davantage sur ses intentions.
 


 

Le Bombardier : Ton album va sortir dans un mois, comment te sens-tu?

Yann Le Razavet : Impatient. Ça fait un moment que je veux le sortir et qu’on le travaille avec le groupe. J’appréhende sans être inquiet pour autant.
 

Il t’a fallu deux ans pour écrire Children of the Slump et il me semble que tu le considères comme ton véritable premier album. Est-ce que l’écriture a été différente?

L’écriture et la composition. The Bloom of Division est une compilation de démos mises bout à bout qui font une sorte d’album. Children of The Slump est le résultat de deux années qui sont passées très vite., je l’ai créé dans une ambiance et dans deux ans qui sont passés très vite. J’ai composé ces chansons dans la même foulée, dans une même veine donc les émotions se rejoignent. J’ai voulu faire un album en le pensant du début jusqu’à la fin. Le premier en était un malgré lui car j’apprends au fur et à mesure. Il y a des ambiances, des couleurs et des thèmes récurrents.
 

Marble Arch est présenté comme ton projet personnel mais est-ce que le groupe qui t’accompagne sur scène t’accompagne également dans la création?

Pas pour cet album. On a eu plusieurs line-ups dans ce groupe. J’ai composé le deuxième album tout seul, épaulé par mon batteur pour l’enregistrement des batteries et de quelques solos de mon guitariste. La fabrication a évolué. Pour le prochain, je pense les faire intervenir dans la composition. Pour celui-là, ça stagnait un peu niveau concerts donc j’avais plus de temps pour créer et pour écouter davantage de musique. J’ai été influencé par d’autres styles et j’imagine que cela va se ressentir dans l’album. J’ai hâte de pouvoir défendre ces morceaux sur scène.
 

Children of the Slump, c’est un thème à part entière? C’est plutôt poétique, politique?

C’est le nom d’un des morceaux que je trouvais le plus abouti du point de vue musical et des textes. Elles ne sont pas de moi la plupart du temps mais de ma copine, ce n’est pas forcément mon truc. C’est l’un des morceau où je trouve que la musique et les paroles s’accordent bien ensemble. Il y a ce côté miroir : “qu’est-ce qu’on veut faire dans la vie” et d’autres questionnements existentiels.

On a 30 ans et on est toujours en train de faire des petits boulots. À galérer. C’est une chanson sur notre génération où les envies ne correspondent pas à notre mode de vie. Ça ne peut plus perdurer ainsi très longtemps.

On a beaucoup de paradoxes et c’est quelque part pour ça qu’on en est là. Ça parle d’amusement accompagné d’un sentiment amer, parce qu’on sait que ça ne durera pas. Quant à l’aspect politique, j’aimerais le développer davantage dans le prochain. S’accaparer de thèmes plus terre à terre et moins fleur bleue. J’essaie de faire évoluer ce côté nostalgique de l’enfance vers quelque chose de plus mature. Je vais bientôt avoir 33 ans.
 

Indochine le fait toujours.

Justement, je trouve que ça fait un peu ringard. Quand bien même ce sujet m’a vachement nourri dans mes influences.

Je suis ne veux pas non plus qu’on me dise que j’ai le syndrome de Peter Pan.

 


 

Quelle est l’étiquette qu’on aime bien coller à ton projet selon toi ?

Quand on écoute Marble Arch, c’est impossible de ne pas parler de shoegaze. J’aimerais cependant être un peu plus large. J’ai essayé de développer les genres musicaux dans cet album. Pour le premier, j’étais contraint de sonner lofi par les moyens que j’avais : la petite boite à rythme et le fait que je ne savais pas mixer à l’époque. Ce n’était pas un souhait parce que je trouvais ça cool. Pour celui-là j’ai mis du temps à le faire parce qu’on a retravaillé le mix, pour qu’il soit plus intéressant à écouter et qu’on puisse entendre distinctement les instruments. Mais si ça sonne shoegaze tant mieux, ce n’est pas une insulte.

A l’avenir, je préférerais qu’on dise que c’est du Yann Le Razavet plutôt que du shoegaze.

 

Les textes en Français, tu n’y as jamais songé?

Je ne suis pas contre mais je ne sais pas vraiment écrire. Je pense qu’il faut être deux fois plus à l’aise avec l’écriture des paroles. L’anglais permet une protection : on se dit que les gens n’écoutent pas forcément. Mais j’aimerais avoir des paroles plus consistantes.
 

Dans tes précédentes interviews on parle rarement de tes débuts, comment en es-tu arrivé à Marble Arch?

De manière très classique : j’ai commencé le piano et solfège à six ans. Ma mère jouait, mes sœurs aussi. Ça fait partie de notre éducation. J’ai un peu subi l’aspect très scolaire de cette discipline mais ça me sert vachement aujourd’hui. Après sept ans de piano qui ne me plaisait pas vraiment, j’ai voulu jouer de la guitare et j’ai rapidement monté mon premier groupe en 2003 avec des potes. On a fait des concerts jusqu’en 2015 où je jouais en tant que guitariste. J’ai ensuite voulu créer ma propre identité musicale avec Marble Arch.
 

Il y a des groupes dans la scène française dont tu te sens proche actuellement?

Les gars avec qui on traine ici au Point Éphémère et avec qui on partage les studios : Good Morning TV, Brace!, Brace!. J’adore aussi ce que fait Bryan’s Magic Tears et Rendez-Vous. C’est un entourage très proche que ce soit dans le son ou dans l’amitié.
 

D’être la première sortie du nouveau label Géographie, ça met un peu de pression en plus?

Je pense qu’ils vont gérer, j’ai confiance en eux. Chacun amène ses qualités, Rémi d’Atelier Ciseaux a un background considérable et Nicolas Jublot qui était au Point F’, ça ne peut qu’être cool. La combinaison des deux, c’est le ying et le yang et ça se complète bien. C’est un bon challenge.
 

Qu’est ce que tu écoutes en ce moment?

J’écoute quelques titres de Gus Dapperton, j’adore Clark Cloud. J’essaie de réécouter des trucs un peu péchus et qui tabassent.
 

Pour la première partie du concert, il y a un groupe d’annoncé?

Oui, c’est Better Person que j’écoute beaucoup. Il fait de chouettes chansons, je l’ai beaucoup écouté donc je suis super fier qu’il fasse la première partie.
 

Children of the Slump est disponible via Géographie.
 

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