Impossible d’arrêter le duo rennais depuis la sortie de son EP Voltage Controlled Time en juillet dernier. Révélés par Jean-Louis Brossard et véritable coup de coeur de nos Trans 2018, Atoem n’est qu’au commencement d’un parcours prometteur.
Composé de Gabriel Renault et Antoine Talon, le premier est guitariste autodidacte et le deuxième, batteur percussionniste. Ensemble, ils s’exercent à distiller leurs influences communes entre techno, new-wave ou encore psychédélisme à travers des productions cosmiques et un brin tapageuses qui raviront les passionnés de bidouillages excessifs. Ce tandem de machinistes explorateurs fait s’envoler les guitares et les nappes de synthés pour créer des atmosphères captivantes.
Si l’hommage à Pink Floyd est évident, ces travailleurs acharnés de 23 et 26 ans proposent à travers leurs expérimentations une ode au son et au fait-maison à placer entre Weval, Nicolas Jaar et Modeselektor. Après un récent crochet par le Palais de la Porte Dorée à Paris aux côtés de Christine et Le Comte, on pourra s’émerveiller de leurs installations complexes qui prendront vie lors de leur prochaine tournée – qui passe notamment par le Festival des Vieilles Charrues.
On a profité de notre excursion aux Trans pour les interviewer : on les a rencontrés à 13h et attendre 4h20 du matin pour les voir jouer au Hall 9 devant un public curieux et réceptif a été une belle récompense.
Comment en êtes-vous arrivés aux synthés modulaires et quel a été votre parcours avant Atoem ?
Gabriel : On écoutait beaucoup de musique électronique et pas mal de new-wave quand on était plus jeunes, c’est ça qui nous a fait plonger dans la synthèse. Même les vieux, les Kraftwerk, c’est ça qui nous a donné envie.
Antoine : Daft Punk. Même si on vient du rock à la base.
Antoine : Mon père m’a fait découvrir les Doors, les Pink Floyd… J’avais un groupe de hard-rock avant.
Gabriel : Les Floyd utilisent des synthés, hein.
Antoine : On a voulu s’y intéresser, on en a acheté un qu’on a trituré dans tous les sens pour voir comment ça marchait et après on en a acheté plein d’autres. Je me souviens que j’avais récupéré un vieux clavier à mon père, le Poly-800. Il est impossible à programmer parce qu’il y a tout un tas de petits boutons bien galère. Du coup je l’ai ouvert et j’ai rajouté des potentiomètres à l’intérieur. Je me disais qu’on allait bien se marrer avec ça.
Gabriel : Après Antoine a une formation en électronique donc il s’est mis à construire ses synthés tout seul dont un énorme modulaire. On voulait avoir ce genre de sonorités et surtout la possibilité de travailler les sons comme on veut. Sur ce genre de machines tu peux vraiment tout recréer de 0. Tu crées tes patches, tu choisis le cheminement du son, toutes les modulations. C’est très intéressant.
Ça ne sonne pas forcément mieux qu’un autre synthé mais c’est le côté expérimental, hasardeux et infini en fait qui nous intéresse.
Dans votre son, il y a pas mal cette idée de sculpture qui revient, sculpter l’électricité, les sons. Comment vous travaillez?
Antoine : Soit on varie avec une structure de composition et après on va faire passer ça dans les synthétiseurs pour travailler le son et arriver au résultat qu’on a dans la tête, ou pas d’ailleurs. Soit c’est le processus inverse, c’est à dire que quand on est en session live et que tous les synthés tournent et qu’il va y avoir une séquence qui va nous plaire, on va en faire une chanson. Donc ce sont deux approches complètement différentes et je pense que ça correspond à nos deux approches de la musique. Moi j’ai un coté assez académique, j’ai fait 10 ans de musique dans une école, donc forcément les mélodies vont me venir en tête et après je les retranscris.
Gabriel : Moi je suis plutôt autodidacte donc je préfère l’expérimentation.
Antoine : Son père lui a appris la guitare et après il a continué a cravacher comme un porc. Il y a ce côté expérimentation, plus dans la recherche d’originalité dans les sons. On se complète pas mal sur ça.
Qu’est ce que tu faisais en conservatoire?
Antoine : Percussions. Batterie. Il y avait des percus africaines, brésiliennes… Plein de choses.
Il vous est impossible de refaire la même chose sur scène?
Antoine : C’est ce qu’on aime.
Il y a une grosse part d’improvisation dans ce qu’on fait.
A la guitare je ne fais jamais deux fois la même chose. Gab sur les percus, c’est pareil. Et même les machines, la manière dont on va les moduler, sculpter le son, ça ne sera jamais deux fois la même chose.
Gabriel : Après il y a quand même des mélodies qui seront les mêmes mais la manière dont on va les moduler en direct, ne sera jamais totalement la même.
Vous vous occupez seulement des machines en live?
Gabriel : Non, il y a vraiment tout. On a tout installé devant. Derrière il y a le synthé modulaire. Moi j’ai deux claviers, une boite un rythme, un pad électronique et un tom. Et Antoine a quatre claviers et une guitare. C’est comme si on était chez nous, on a tout à disposition.
Antoine : C’est notre petit studio qu’on met sur scène. Et encore on ne ramène pas tout sinon ce serait méga rempli.
Je crois beaucoup à l’énergie des lieux sur la musique : son impact sur la composition et sur l’écoute. Et Atoem à Rennes, ça sonne et ça marche bien effectivement.
Gabriel : Rennes c’est une ville très musicale. Il y a énormément d’artistes qui viennent d’ici.
Antoine : De Marquis de Sade au mec de Her. Il y a une palette musicale qui est ouf. Le côté musique électronique jouée en live est un peu en retrait à Rennes.
Gabriel : Il y a quand même quelques mecs qui jouent sur des machines !
Qu’est ce que vous pensez de la place du modulaire dans l’électronique aujourd’hui?
Gabriel : Il y a de plus en plus de personnes qui travaillent avec. Nous, on a vraiment un modulaire vintage et fait main. C’est vraiment des espèces de copies de vieux modulaires. Aujourd’hui il y a vraiment beaucoup de modulaires modernes qui sortent et de plus en plus qui arrivent à s’en payer.
Antoine : Il y a tout un écosystème autour de ça.
Gabriel : Après c’est assez complexe de travailler avec ce genre de machines parce qu’il faut quand même connaître un peu les principes de la synthèse. Dans ceux qui travaillent avec il y en a beaucoup qui sont électriciens ou électroniciens pour connaître un peu le délire.
Antoine : Aujourd’hui il y a tellement de nouvelles sorties tous les jours, sur des styles et des méthodes de travail qui sont proches que le passage vers ce côté expérimental de la musique il est presque nécessaire si tu veux avoir ton identité et ta particularité, ta singularité. C’est pour ça qu’il y en a de plus en plus qui se redirigent vers ce genre de possibilités parce que tu vas avoir un son de taré, directement.
Gabriel : Faut trouver ton son, quoi ! Moi j’adore Colin Benders, c’est un Hollandais qui a un mur de modulaire incroyable.
Antoine : Il fait tout de A à Z avec son synthé modulaire et c’est de la folie. Maxime Dangles qui fait partie de la team Astropolis. On l’avait vu il y a quelques années à La Cour, il ne jouait qu’avec son modulaire et ça défonçait.
Gabriel : Il y a le Comte aussi qui est rennais. Il fait des ballades électroniques hyper jolies.
Les prochaines étapes pour vous?
Antoine : Faire beaucoup de dates en 2019.
Gabriel : Le live, c’est ce qu’on aime. On va se remettre à la production très bientôt aussi.
Des nouveautés que vous écoutez en ce moment?
Gabriel : On est des gros fans de DBFC et il y a Dombrance qui joue juste avant nous. On écoute ça a fond en ce moment et dans les deux sens : beaucoup et très fort.
Antoine : On écoute Blood Orange, on est des gros fans de Weval et Egyptology. J’écoute aussi beaucoup de vieilles musiques turc rock des années 70/80.
Gabriel : Mon truc, c’est la musique syrienne en ce moment.
Atoem en concert :
20 avril : Les iNOUïS du Printemps de Bourges (Bourges)
25 avril : Ubu (Rennes)
26 avril : L’Echonova (Saint-Avé)
27 avril : La Citrouille – Scène des Musiques Actuelles (Saint-Brieuc)
04 mai : La Carène (Brest)
25 mai : Festival Les 3 éléphants 2019 (Laval)
28 mai : [Showcase] – Le Studio des Variétés (Paris)
20 juillet : Vielles Charrues 2019 [Scène GRALL] (Carhaix)