Dans ton label

Dans ton label #12 : Teenage Menopause Records

À côté de majors qui occupent une large partie du terrain, les labels indépendants se démènent pour faire vivre des projets à taille humaine, bien souvent à contre-sens de tout objectif commercial et lucratif. À la tête de ces projets, on retrouve des guerriers multi-fonctions aux méthodes et profils divers et variés. Aujourd’hui, on part à la découverte de Teenage Menopause Records, un label qui sent bon la bière, la sueur et les copains. Pour cause, leur histoire a débuté par un coup de foudre il y a bientôt dix ans sur le comptoir de l’ancienne boutique Born Bad. A trois désormais, ils proposent un catalogue souvent sanglant et toujours éclectique où se côtoient pèle-mêle UVB76, Jessica93, Cockpit, Heimat ou encore Ventre De Biche.
 

Pouvez-vous vous présenter ?

Hello ! François, membre fondateur de Teenage Menopause, avec mon partner in crime l’illustrateur belge Elzo Durt. Il y a quelques mois, j’ai été rejoint par Mathilde : merveilleux Couteau Suisse !
 

Pourquoi et comment avoir choisi ce nom de label ?

Quand on a décidé de sortir un disque, entre deux pintes à la Machine du Moulin Rouge, devant Catholic Spray, après 72 heures de fête, l’idée nous trottait déjà. Nous étions entourés de tentatives, des Born Bad, des XVIII, des Mind et consorts.

Nous avons toujours été boulimiques de disques et les labels aux noms évocateurs ont toujours fait partie du décorum : New Rose, Rough Trade pour le punk, Banzaï, Underground Resistance, Bunker, pour la techno. On a toujours navigué entre les deux courants, et il était évident qu’un label, c’est comme un groupe, il faut un nom qui claque… et un logo !
Pour le nom, les jours qui ont suivi on donné lieu à un fameux cadavre exquis entre Elzo et moi. Un succulent échange qui a abouti sur Teenage Menopause. Je crois me souvenir que c’est une proposition de Silio Durt, le frère d’Elzo, Numéro Uno en gogolerie.

En tout cas, on a eu plein de compliments de la part de nombreux étrangers. Donc il semblerait qu’il fonctionne ! On recevait aussi pas mal de mails d’insultes de Pères-La-Morale américains bien premier degré. C’est bon signe.
 

Que défendez-vous sur votre label ?

Après bientôt 35 sorties, j’ai toujours du mal à parler de D.A. ou de ligne éditoriale. Je pense, bien évidemment qu’une couleur domine à la vue du catalogue. Les musiques que nous sortons sont si différentes les unes des autres, mais réunies sous cette bannière de la sincérité et de l’urgence.

Ce label est tout simplement à l’image de ce que nous écoutons : éclectique mais aux lisières des musiques marginales. La succession du garage punk de Catholic Spray ou la techno de The Horrorist, enchaînement des bangers club de UVB76 et de la folk lofi de Lispector dessinent ce parcours.
Disons que nous donnons aussi à exister des disques qui n’auraient peut-être pas vu le jour sans les rencontres des artistes avec Teenage Menopause Records. Du moins, la plupart n’auraient pas existé sous cette forme. Ce que nous défendons, c’est de permettre aux artistes et aux groupes de trouver des conditions adéquates pour qu’ils puissent s’exprimer.
 

Quels morceaux résument au mieux la politique de votre label ? (trois au choix)

Quelle balle celui ci :
The Mad – “I Hate Music”

J’ai demandé à Hoel de Techno Thriller et il m’a soufflé celui-ci :
Le Prince Harry – “Chemistry”. Et c’est vrai qu’en l’écoutant, ce sont des souvenirs de pogo mémorables qui déboulent par palette !

Et puis quand même, celui ci : “Asylum” de Jessica93 :

Car on a soudoyé le “chauffeur” du manège de Belleville juste à côté de chez moi pour faire un tour de juste la durée du morceau, diffusé dans la cabine.
 

Votre plus gros succès jusqu’ici ?

Si on peut parler de succès, ce serait à propos de Jessica93 dont nous avons accompagné un peu le parcours du squat de la Miroiterie où nous nous sommes rencontrés, à la grande scène de Rock En Seine (entre autres). C’est super chouette de faire plusieurs albums (en co-prod avec Music Fear Satan) avec un groupe. Un truc au long court, comme avec Luca de Ventre de Biche ou Le Prince Harry. Bisous à vous, les gars !
 

Quelle est votre journée type ?

Bien évidemment, l’actualité a tout chamboulé.

Mais dans l’autre monde, je bosse en décalé alors je peux consacrer quelques heures par jours au label, genre avec le café du matin pour les emails ou dans l’après midi, pour faire les rendez-vous, la tournée des disquaires de Paris, et puis évidemment, les concerts, beaucoup, tout le temps.

En temps normal, il y a toujours quelque chose à peaufiner. Un artwork à corriger, un mail à renvoyer à un tourneur, les commandes individuelles et la distribution… En plus du boulot, le vrai, cela représente quelques années tête dans le guidon.
 

Indépendant, underground, DIY : même bateau ou pas ? Ça veut encore dire quelque chose pour vous ?

En France, on aime bien les étiquettes, mais en vrai : on est tous le vendu de quelqu’un d’autre. Combien j’ai croisé d’Ayatollah du DIY qui viennent te faire la morale à la fin d’un concert, ou quand tu remballes ton stand. Il y a tellement de superbes disques, quel dommage que certains aient besoin de ces étiquettes.

Underground, de qui, de quoi ? De toute façon la culture de masse a d’ores et déjà gagné. L’indépendance est un argument marketing pour les grosses structures qui estampillent leurs campagnes de com. L’idée c’est de faire exister correctement ces disques et de permettre aux artistes de progresser, et de se trouver une zone confortable pour exprimer leur musique.
 

Comment signer sur votre label ? Vous acceptez les pots-de-vin ?

Haha, vu le nombre hebdomadaire de démo que nous recevons, il faut que je sois précis sur celle-ci ! En vrai, la plupart des trucs qu’on a sorti viennent de claquettes instantanées. Quand on a décidé de sortir notre premier disque, on était devant le concert et on a annoncé notre volonté à Cypr de Catholic Spray entre deux morceaux. A la fin du set, on lançait Teenage.

La suite est un peu de la même trempe : on pactise à grand coup de Gin To’ ! C’est souvent à la fin de concerts fulgurants qu’on va rincer les artistes pour les attirer dans nos filets, haha ! Ensuite, on est affreux avec eux et pour qu’on les laisse tranquille, ils acceptent qu’on leur bidouille un disque. Certains de ces artistes sont vraiment cheulous et on fait plusieurs disques ensemble.
 

Le futur de la musique, c’est quoi, quand et où ?

Bin là, c’est la colle… Vu le flou dans lequel on est, je botte en touche sur celle-ci. Il y a encore quelques semaines, je t’aurais répondu que le futur passait par une nébuleuse tentaculaire entre Moscou et Budapest, Amsterdam et Istanbul. Que des gens intelligents et talentueux se respectant pour ce qu’ils font, s’écoutant et s’influençant au travers de leurs productions, leurs lives et leurs collaborations tous azimuts.

Mais en gros, quelque chose d’hybride entre le dub, la techno, les collages sonores et autres joyeusetés ! Des trucs qui font danser et aimer les différences, quoi ! La liste est projets super excitants est interminable. Disons que pour la musique enregistrée on voit un décloisonnement. Les artistes se nourrissent à fond les uns les autres. On peut voir des associations assez iconoclastes qui s’émulent parfaitement comme Low Jack et Lala &ce, Ventre de Biche et Fiesta En El Vacio, des artistes qui semblent déjà dans le tur-fu comme Zaliva D, Kate NV ou Naomie Klaus ! Des groupes dingues comme Crack Cloud. Et puis des labels assez fous pour canaliser tout ça. Avec la réouverture des disquaires et des moyens de distribution, on est un peu rassurés, mais qu’en est-il de la musique live ?
 

Un artiste (vivant ou non) ou un album que vous auriez aimé sortir ?

Han ! Il y en a tellement ! Mais les disques existent, et comme je le disais plus haut, ils sont sortis d’une certaine manière.
Si nous les avions sortis sur Teenage, avec nos moyens bricolés, ils auraient été différents… et sûrement beaucoup moins bien !

Si ça avait été au siècle dernier : Alan Vega ou Alain Kahn, plus récemment, The Hunches ?

Mais quand je vois des catalogues comme ceux de Knekelhuis (Amsterdam) ou Maple Death (Londres/Bologne), j’aimerais bien que celui de TMR ait cette gueule-là. Aucune faute de goût, des trucs risqués, des contre-pieds, et que des balles !
 

Votre dernière/prochaine sortie ?

Dernière sortie : Movie Star JunkiesShadow Of A Rose.
Des années qu’on se dragouillait avec le groupe… En octobre, ils nous envoient un mail, on sort le disque en mars… Un vendredi 13 : la veille du confinement ! Chicos !

Prochaine sortie : haha ! On ne l’a pas encore annoncée, mais allons y ! TMR035 – Techno ThrillerDecameron qui est au mixage.
Ces deux-là sont en train de nous pondre une dinguerie médiéviste sur la Grande Peste de 1352. Ça fleure bon la pestilence et plomb en fusion ! Espérons que ce soit notre petite revanche sur le confinement qui a plombé la sortie de Movie Star Junkies… Pas de date prévue pour l’instant. Juste du teasing.

Un tout grand merci d’ailleurs à ceux qui soutiennent les petites initiatives : les disquaires, les libraires, les petits restaurateurs concernés, sans qui ces temps troublés seraient vraiment plus cafards !
 

Retrouvez l’univers de Teenage Menopause Records ici.