Interviews

Lenparrot, quelques maux d’amour

Photo : Gregg Bréhin

Dans un monde idéal, Lenparrot devait assurer la release party parisienne de son nouvel album Another Short Album About Love au Point Ephémère dans quelques jours. Dans notre réalité, les onze morceaux qui le constituent nous ont accompagnés lors du premier confinement (rare privilège qu’il nous reste de rédacteur) et continuent de nous poursuivre en cet automne bien entamé. Largement remarqué en 2017 avec son ambitieux et premier album And Then He réalisé par Julien Gasc et comportant nombre de featurings (Chassol, Fishbach, Juliette Armanet, Michelle Blades, Juveniles ou encore Clea Vincent), Lenparrot avait forgé ses armes avec les EPs Aquoibonism et Naufrage sortis en 2015 et 2016 sur le label feu Atelier Ciseaux, et encore avant cela (on espère que vous suivez) dans les formations Rhum For Pauline et Pégase.

Pour ce nouveau disque, le Nantais a resserré la formule, s’entourant de deux seuls compères (Antonin Pierre et Raphaël d’Hervez), offrant alors plus de pragmatisme et de spontanéité, avec toujours cette aptitude infinie à transformer la sensibilité en œuvre d’art installée en premier plan. Si l’image d’artiste à fleur de peau lui colle un peu trop, il est clair qu’Another Story About Love n’est toujours pas l’album idéal pour un enterrement de vie de jeune garçon (pratique de toute manière interdite en ces temps) et qu’il est plus intense que cet objectif. L’artiste s’y révèle avec moins de fard que sur son premier essai, notamment avec deux morceaux en français, “Paladines” avec Sarah Maison et “Quoi”, qui ont eu raison de nous faire chavirer.

A partir de là, tout a été dit, ou presque : en passant par les rencontres de “Leo” et “Freddie”, de “Marathon” à “Wrong/Gone”, c’est un souffle réconfortant qui vient se poser sur l’auditeur, insufflant quelques connaissances et expériences de l’amour et permettant surtout la révélation d’un artiste dans toute sa singularité et sa splendeur. Confinement oblige, on a ressorti notre plus beau micro pour discuter avec l’intéressé de ce parcours admirable et inspirant.
 


 

Le Bombardier : Comment te sens-tu à quelques jours de la sortie de l’album ?

Romain Lallemant : J’essaie d’accueillir cette sortie dans ce contexte avec le plus de réjouissance possible. Sinon ça ne sert plus à rien de faire ce métier en ce moment (rires). L’une des bonnes choses que ce premier confinement m’aura offert, c’est d’avoir pu morfler déjà une fois comme il fallait en ayant aucune trace passée d’une telle situation pour pouvoir faire face à cette inconnue et cette source de frustration. Je suis ressorti de ce premier confinement franchement à fleur de peau, pour x raisons outre la musique mais quand même, je me suis retrouvé dans un état au printemps de nervosité, d’hypersensibilité, sans trop savoir d’où ça venait.

J’ai réalisé après coup que j’avais fomenté toute une pyramide qui allait commencer à être dévoilée au printemps avec la sortie de “Freddie” qui est sorti au mois de mars. Pyramide sur laquelle on avait œuvré avec Raphael et Antonin depuis deux ans. Tout avait été décalé, tout se pétait la gueule, toutes les dates, toute la promo. Je n’avais rien sorti depuis un an et demi et mon album album était censé sortir au mois de mai. Lola, ma manageuse et productrice de tournée, voyant la situation s’aggraver dans les premiers jours du confinement s’est dit que c’était inutile de maintenir la sortie au 29 mai, qu’on avait encore le temps de déplacer la sortie du disque. Parce que voilà, je ne suis pas dans la catégorie qui streame des millions, je ne vends pas des transpalettes de disques, donc c’est vraiment avec la tournée que je gagne ma vie et que je fais exister ce projet solo.

Au moins, on a pu jouir d’une plus longue temporalité pour dévoiler peu à peu ce disque. La question s’est à nouveau posée en fin de semaine dernière mais je tenais à ce qu’il sorte. Comme la situation semble être là pour durer sur le temps, je pense que les gens sont un peu plus disponibles pour découvrir des disques à défaut de pouvoir les acheter convenablement (rires).
 

Ton second album a été conçu et a pris vie de manière totalement différente du premier, j’ai même l’impression que la naissance et la vie de “And Then He” avait été quelque peu fastidieuse.

Je garde mine de rien un excellent souvenir de la confection du premier album et de ce que j’ai pu réussir à mettre dedans. Peut-être fastidieux en ce qu’il a été éprouvant et peut-être dans la constitution disons involontaire d’une sorte de cénacle pour m’assister. Cénacle au sein duquel hormis moi, il n’y avait pas grand monde qui avait la parole. Ce sont des erreurs dues à une production dont je ne connaissais pas encore réellement les rouages, c’est à dire qu’à mes yeux chacun avait sa place et j’étais dans la nécessité d’être entouré de toutes ces personnes-là, chacun se refilant un peu les casquettes, avec une majesté qui dans tous les cas avait d’office le dernier mot. C’est peut-être ça dont souffre And Then He : d’avoir manqué de la perspective et d’une vision plus panoramique qu’un tiers aurait pu se faire confier. Chose que je me suis refusé absolument à léguer.

C’est un album très dense. Franchement, si aujourd’hui je le trouvais foiré, je n’aurais absolument aucun orgueil à le dire, je le dirais. Et je ne trouve pas ! J’ai quand même une profonde tendresse pour cet album, je trouve qu’il y a plein de choses encore aujourd’hui que je trouve super réussies. Plein de choses que j’aurais fait autrement, mais aussi plein de choses que j’aurais fait exactement de cette façon. Donc c’est plutôt chouette. Contrairement à Aquoibonism et Naufrage que je considère aujourd’hui comme des sortes d’œuvres de jeunesse, même si pareil, il y a plein de choses que j’aime encore dedans, je crois que je ferais ces deux EPs totalement différemment. Mais c’est aussi ça qui est grisant dans l’épreuve du temps. On ne refait ni le match ni l’histoire.

Je trouve que pour un premier album il ne se tient pas trop mal ! Il a un côté assez besogneux à certains endroits. Je trouve que l’image d’un gros TER lui convient tout à fait. C’est un peu comme le Nantes-Bordeaux : un peu long et conséquent ! Tu as vraiment intérêt à le faire en bagnole parce que c’est infernal, c’est 3h30. J’ai cette sensation là avec And Then He : tu peux être séduit par le paysage qui défile et il y a tout de même des moments où tu dis “bon, ça serait bien qu’on soit arrivés !”. C’est une analogie assez réussie là-dessus (rires).
 

Sur le second, on sent qu’il y a du changement, une évolution.

Ça tient en plusieurs choses. Le premier album était le fruit d’une temporalité déjà resserrée. Ce qui est bien lorsque tu fais des premières sorties, c’est que tu n’as pas de notion de temps précédant cette œuvre. Aquoibonism a été construit en trois ans pour la plupart des titres, sauf “Mondegreens” tirée de mes tiroirs, que j’avais écrite en 2011 en Australie, soit bien avant le début du projet Lenparrot. And Then He a été écrit sur un an en à titre de comparaison, donc j’ai été assez productif mais je voyais qu’il y avait quelque chose qui était encore un peu dans une sorte d’entre deux, c’est à dire que cette esthétique un peu R’n’B minimaliste qui était très présente sur mes sorties chez Atelier Ciseaux a été totalement délaissée au profit d’une œuvre un peu plus luxuriante, de pop un peu baroque et déstructurée, mêlant aussi bien plein de mes influences très pop qui étaient jusque là un peu discrètes, de part aussi de mes volontés de production. Aquoibonism et Naufrage ont vraiment été enregistré à la maison, dans le loft de mon partenaire Olivier Deniaud qui était à mes côtés sur scène, à la production et aux arrangements des premières années de Lenparrot.

M’étant fait une très haute idée de ce que devait être un premier album, je ne voulais pas me foirer et je ne voulais pas qu’il soit confectionné home-made, mais me donner les moyens pour : d’aller dans différents studios, d’être épaulé par Julien Gasc à la production, de confier le mix à Yuksek, d’enregistrer le quatuor à cordes de mon père. Voilà, il y avait un truc un peu grandiloquant et totalement assumé qui venait vraiment plus seoir une pop baroque.

Raphael avait à cœur de ramener aussi bien la production que l’écriture dans cette esthétique première tout en conservant un vrai travail de production en studio. Lors de l’écriture du second, on avait des sessions de travail très resserrées, on ne pouvait pas se permettre d’aborder tout le panel des titres que ce disque pouvait offrir. On se concentrait sur onze démos, une première trajectoire esquissée et produite ensemble en studio. J’avais le loisir d’écrire en réaction à ce qui commençait à prendre forme. Au-delà même de la production, l’écriture a été impulsée par Antonin et Raphael qui me guidaient vers ce qu’allait être cet album, avant même que les chansons soient écrites. On pouvait se projeter assez facilement dans cette vision kaléidoscopique du projet.
 

Quant au changement des thèmes abordés dans des textes, avais-tu aussi envie de défaire d’une certaine image mélancolique que l’on pouvait avoir de Lenparrot?

Il faut dire que la thématique du passage de l’enfance à l’âge adulte, je l’avais déjà même abordée au sein de Rhum For Pauline avec Leaving Florida, c’était une thématique collectivement ressentie dans notre expérience de groupe. Avec And Then He, même si ça pouvait être un effet de miroirs entre les personnages que je pouvais incarner et les moments où c’était un peu personnel, il y a une plongée éminemment cathartique et éminemment personnelle et autobiographique dans tout ce qu’il raconte. Par moment ça peut être un peu sombre et douloureux. Il y a aussi cette idée de point d’orgue avec cet album, c’est peut-être pour cela qu’il est aussi conséquent. Pour le second, j’avais envie de quelque chose de plus apaisé, de plus serein. Même si je ne peux pas pleinement me mettre dans la peau d’un auditeur tiers, j’y ai apporté une énorme exigence en tant que mélomane. En plus, ayant eu le luxe de reporter sa sortie près de huit mois plus tard, j’ai eu à l‘envi la liberté de le réécouter pas mal de fois et je trouve qu’il tient la route ! Je ne peux pas encore lui trouver de défauts.

Avant même qu’il soit masterisé, qu’il parte au pressage, je me souviens que je n’avais jamais été aussi fier et aussi heureux d’un disque. Et un an après, c’est toujours le cas. C’est quand même réjouissant.

Quant à la thématique, autant sur And Then He, il y avait la nécessité que ce soit Lenparrot et pas Romain Lallemant pour endosser toute la teneur musicale et littéraire, de ce qu’il raconte en terme de paroles. C’était bien pour créer une sorte de mise à distance. Pour cet album, j’aimais bien l’idée, dès le départ, même dans les costumes, que ce soit dans le clip de “Freddie” ou celui de “Berries” plus récemment et même sur scène, d’avoir ce personnage-là avec une identité très définie, un stylisme assumé. Que ce soit ce personnage, Lenparrot, qui déambule au sein de ces onze titres. C’est le même personnage qui se raconte des trucs, rêvés, vécus. Je me figurais cette déambulation onirique, nocturne, comme dans une grande peinture de Brecht Evens que j’avais pour référence. C’est exactement comme ça que je me figure ce disque.
 


 

Ce trouble de ne pas être tout à fait à l’aise de jongler entre des textes anglais et des textes français, d’où vient-il? J’ai bien apprécié les deux titres en français sur cet album, j’aurais même aimé en entendre davantage en français.

Ah, je prends ça comme un compliment. Ce qui a changé par rapport à mes débuts avec Lenparrot en 2014, c’est que la pop en français était encore regardée comme quelque chose d’un peu trivial, un truc un peu vulgaire. Et heureusement, des groupes et personnes comme La Femme, Flavien Berger, ou François and The Atlas Mountains se sont dit qu’ils s’en foutaient et ont fait ce qu’ils voulaient sans demander la permission à qui que ce soit.

Je n’avais jamais écrit des textes en anglais avec pour idéal d’aller jouer ailleurs qu’en France. Alors évidemment, quand ça m’est arrivé c’était un vrai luxe et j’ai toujours adoré l’expérience mais j’avais surtout l’idée de jouer mes chansons pour celles et ceux qui m’entourent et pour le coup, j’ai toujours été hyper bien accueilli en France. C’est plus de l’ordre du poids de l’héritage chansonnier français et des questions de comment s’en émanciper et de la cohabitation au sein d’un même disque. Parfois en tant qu’auditeur, ça a pu me faire chier. Même si cette cohabitation existe sans l’ombre d’un problème dans l’un de mes groupes préféré au monde à savoir Stereolab : ce que je trouve assez grisant c’est que tu sens que la question ne s’est jamais posée, c’est d’un naturel assez déconcertant. J’ai essayé de faire en sorte que ce naturel assez déconcertant puisse venir aussi au sein du nouvel album. Mais j’y réfléchis amplement, c’est notamment un retour que m’a fait Julien Gasc après avoir entendu l’album fini, il m’a dit en ces termes : “Bon bah maintenant t’es prêt pour le full-French!” (rires).
 

Je n’ai pas su remonter à ta toute première rencontre avec la musique, comment as-tu commencé ?

Je suis issu d’une famille de musiciens des deux côtés puisque ma mère a été danseuse folklorique pendant très longtemps et encore aujourd’hui elle chante dans différents ensembles vocaux. Mon grand-père maternel est compositeur et chef de chœur et mon père est violon alto. J’avais donc un terreau bien fertile. C’est vraiment sur l’impulsion de ma mère et de mon grand-père que j’ai commencé des cours d’éveil musical autour de 3 ans et demi et j’ai commencé le piano à 5 ans. J’ai commencé la batterie dans la foulée.

J’ai eu ce professeur jusqu’à ce que je quitte Paris, du nom de Bernard Brechenmacher qui était rue de La Folie Méricourt à Paris, de piano mais que, d’éveil à la musique, conjointement à mon grand-père et à ma mère. Ça a été une rencontre absolument décisive dans ma vie, dans ce qui est de l’apprentissage du piano et d’un amour de l’instrument. De fait quand je l’ai quitté, ça a été un peu déstabilisant. Quand il eut été question de se rendre au conservatoire, je n’y suis pas resté très longtemps. Ça avait tellement été de l’ordre d’une rencontre que d’un apprentissage institutionnel et professoral, que ça ne m’a pas du tout convenu. J’ai claqué la porte après trois ans et j’ai continué en ce que je pourrais appeler “faux autodidacte” puisque j’avais quand même pas loin de dix ans de pratiques diverses au sein d’écoles dans les pattes, mais avec une difficulté chronique à me plier à un truc beaucoup plus… chiant ! Vachement moins dans l’affect.
 

As-tu eu l’opportunité de réfléchir à une quelconque organisation live pour cet album ?

J’ai terminé l’enregistrement de ce nouvel album en novembre 2019 et dans la foulée j’ai monté ce qui me semblait être la formule la plus adéquate pour le défendre et l’interpréter sur scène aux côtés de mon cher et tendre ami Antonin Pierre (qui était déjà à mes côtés en studio avec Raphaël pour l’enregistrer, l’arranger) donc c’était dans une logique assez implacable que je l’appelais de mes vœux, à mes côtés pour le jouer sur scène, c’était une évidence. Et comme troisième larron, j’ai rapidement convié mon pote Pierre Lucas qui était déjà aux claviers à la toute fin de Rhum For Pauline. Il joue aussi aux côtés de Dodi El Sherbini et Perez. C’est un mec que j’adore.

On avait eu une première expérience en trio sur scène assez rapidement, on a commencé à bosser les titres pour le live en novembre 2019 pour les jouer une première fois en janvier 2020 à Stereolux, un showcase d’une demi-heure dans le cadre de la BiS Festival, monté entre autre par Lola qui est ma productrice de tournée et ma manageuse. C’était hyper short, c’était assez grisant car on n’a pas perdu de temps, en trois mois on a monté une première forme et puis le disque devant sortir le 29 mai, on avait la release party à Stéréolux de prévue une première fois début juin. Donc on a bossé de janvier à mars, on a bien travaillé et on commençait à avoir la forme d’un live d’une heure prévu pour la release et on allait le peaufiner durant l’été, espérant avoir quelques festivals aussi pour l’éreinter, pour tourner grandement à l’automne. On a souffert d’un premier confinement au printemps, on a bossé en juillet et dès fin août on s’y est remis. On était chauds.

Je pense que plus que jamais, je n’ai jamais été aussi prêt et je n’ai jamais autant buché sur un live qu’avec cette année hors du commun.

C’est assez déstabilisant parce qu’on a passé des heures et des heures et des mois mis bout à bout, entiers, à peaufiner ce live et en même temps avec une inexpérience du plateau. On aimerait croire qu’on est des jeunots mais on a quand même un peu de bouteilles dans nos besaces et pour autant, quand on a eu une résidence en septembre à Stéréolux avant de partir en tournée, tout était à redécouvrir : la pression du plateau, l’expérience de la scène, ça faisait un petit paquet de temps qu’on n’était plus remontés comme ça. C’était vraiment déroutant. Pareil pour la première date de tournée qui était à Metz aux côtés de Victor Solf, c’était génial mais vraiment chelou parce que c’était encore nouveau : heureusement dans un sens parce que si on savait comment ça allait exactement se passer ça serait presque barbant mais c’était quand même presque trop déroutant.

J’ai eu le luxe de faire un piano sono à Nantes dans le cadre des Rendez-vous de l’air dans un café que j’adore qui s’appelle Lune Froide. Alors qu’il avait fallu zigzaguer entre les contraintes, les gouttes et les arrêtés préfectoraux, j’ai joué devant un parterre certes masqué mais qui était debout : 150 personnes qui étaient devant moi donc l’idée de distanciation était remisée au placard. Ça n’en reste pas moins un souvenir assez génial parce que je n’avais pas joué depuis huit mois et j’ai toujours été très sensible à l’exercice du piano solo. Même si les gens était masqués, ils étaient très près de moi, c’était intimiste et beau. Quand on a joué à Metz, c’était avec trois mètres de distance entre la scène et les gradins, et les gens parsemés par la distanciation. On a joué devant 250 personnes assises dans une salle qui pouvait en accueillir 1200. L’échange se transmet autrement, les applaudissements sont plus fournis, plus chaleureux mais c’est quand même un peu bizarre.
 

As-tu un mot à dire sur ce deuxième confinement, sur le sort de la culture actuellement ?

Malgré tout ce secteur qui est sinistré, je trouve que le mot n’est pas déconnant, il y a une résilience et la nécessité de ne pas baisser les bras. Je crois que les conséquences vont être tellement violentes l’année prochaine. Autant il est particulièrement mal venu de la part d’un Président d’utiliser un lexique guerrier pour faire face à cette pandémie; autant je trouve qu’on doit aller au front pour défendre nos droits dans des décisions aussi déplorables que celles prises autour de la culture. Pour ce qui est de notre Ministre de la Culture, je trouve que c’est l’une des personnes les moins faites pour ce poste, pour autant je peux lui reconnaitre d’être assez battante et d’essayer de faire entendre nos voix.

En ce sens-là, je crois qu’il y a la nécessité de se poser la question sur ce qui est essentiel à chacun et chacune, et que la culture et l’art, dans des périodes comme celle-ci, est absolument essentiel. Autant lors du premier confinement, il y avait des personnes qui, à raison, de par la peur et le climat anxiogène, n’étaient pas disposés à la découverte ou la redécouverte de livres, de disques, ou de films qui leur sont chers, autant je pense que pour le second, nous sommes plus aguerris à ce genre de climat.

D’ailleurs, je suis heureux que mon disque sorte maintenant, peut-être qu’il pourra accompagner les gens qui iront à sa rencontre dans les prochaines semaines avec un peu de douceur.

 

Qu’écoutes-tu en ce moment?

Toujours énormément de musique brésilienne. Sans grandiloquence , ça m’a sauvé pendant le premier confinement, c’est une source d’évasion absolue. Durant le premier confinement, il y a deux disques qui ont été essentiels pour moi : ce qui est considéré comme l’album blanc de João Gilberto qui a été enregistréen 73 qui est d’une beauté absolument folle. Il y a un titre sur cet album que j’aime particulièrement qui s’appelle “Undiu”, qui est écrit pour sa fille Bebel Gilberto, et l’album Construção de Chico Buarque qui est une d’une beauté terrassante. Plus récemment, ce qui est considéré comme la Jovem Guardia avec notamment deux frères, Tim et Chico Bernardes. Tim Bernardes, qui fait d’ailleurs partie du groupe O Terno qui est génial, a un album qui s’appelle Recomeçar qui est splendide et son frère Chico a sorti un album éponyme l’année dernière, c’est tellement beau, on dirait du Chris Cohen un peu. Et aussi, une artiste trop géniale signée chez Stones Throw, Sofie, qui me fait penser à ces ovnis géniaux apparaissant parfois au sein de cette écurie. Elle a un album, une sorte de cousin de Raw Honey de Drugdealer, qui s’appelle Cult Survivor et il est super.
 


 

Son nouvel album Another Short Album About Love est disponible ici via Jour Après Jour Après Jour et Futur Records.