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Awir Leon, entre ciel et terre

Photo : Thomas Alfred Bradley

La première fois que j’ai rencontré le travail d’Awir Leon, il venait tout juste de sortir son projet solo en 2016. A cette époque je faisais une sorte d’obsession du ciel et le clip de “Sitting So High” m’avait conquise dès la première écoute. La voix d’Awir flottait sur une production hypnotique mêlant des textures presque modulaires et un clavier en background donnant à la chanson toute sa dimension poétique. Les images pensées comme des tableaux graphiques et sa gestuelle me collaient littéralement à l’écran. Difficile de m’extirper de ce trip multisensoriel où je n’en suis sortie clairement pas sobre.

Puis l’addiction ne s’est pas résolue, car plus je creusais et plus l’album Giants, sorti la même année, me rendait dingue. “Maybe we land” caractérise cette liberté très personnelle avec laquelle Awir mélange les instruments électroniques plutôt froids, avec des musiques traditionnelles africaines aux tonalités plutôt chaudes. Le tout, structuré par des patterns rythmiques carrément couillus où le corps se laisse embarquer bien volontiers.

Et c’est assez logique puisque Awir est danseur contemporain professionnel et pourrait bien explorer le langage du corps juste pour le faire transpirer dans sa musique (ou vice versa). Des vases communicants qui donnent toute l’épaisseur, ou plutôt la profondeur si précieuse à la démarche de cet artiste protéiforme. A cette période, même s’il commence à se faire un nom en tant que danseur, et que l’album d’Unno (projet dont il fait partie) se fait remarquer, c’est la rencontre avec le chorégraphe Emmanuel Gatsera qui sera déterminante puisqu’il l’emmène dans de nombreuses dates internationales et co-signe l’oeuvre Sunny en 2016. Mais comme Awir flirte autant avec l’ombre que la lumière c’est un projet plutôt sombre qui suivra. “Sharks” tiré de son deuxième opus Man Zoo, est écrit à la suite d’une rupture amoureuse et on peut imaginer que la tournée Sunny a certainement créé un terreau fertile à la mélancolie de ce LP sorti en 2019.

Le premier track “What’s good” commence et se termine avec des bruits d’horloge, de bois, et une mandoline. Un refrain plus produit où les claviers soutiennent cette voix cristalline aux inflexions soul, mélange de plein et de vide, où l’entrée dans l’univers d’Awir arrête définitivement le temps. “Tomorrow”, reprend ses influences hip-hop, culture chère aux oreilles d’Awir puisqu’elles ont été bercées par Mos Def, Erykah Badu ou D’Angelo, mais aussi au corps car il apprend la danse hip-hop à 16 ans. Les titres de l’album défilent, les marimbas se marient à des batteries rock électro, et on est interpellés par ses textes lucides et francs qui viennent équilibrer ce projet en apesanteur.

Pourtant deux tracks se détachent particulièrement de cette traversée electronica au songwriting définitivement pop tant par leur innovation que leur élégance. D’abord “Rain”, inquiétant et solaire dont les nappes électroniques de l’intro relient des arrangements minimalistes, qui vous font enfin croire à un renouveau possible après un cyclone. Et aussi “Lies Living”, dont les ruptures rythmiques nous font rejoindre un titre plus accessible et lumineux, même si le thème nous ouvre les yeux devant les mensonges qui nous entourent.

Awir Leon, un nom qui signifie “Ciel” et une signature visionnaire du label Nowadays, présent à l’Independent Label Market le 3 juillet, est un artiste à suivre des très près que vous pourrez écouter en live bientôt car il fera les premières parties de Woodkid (rien que ça) à partir de cet automne. Pour contenter votre impatience, il distille des live sessions par le biais de ses stories Instagram juste ici.
 

Son nouvel album Man Zoo Extended est disponible ici via Alter K.