Interviews

David Shaw, nu-cléaire pop for everyone

Photo : Marine Keller

Faut-il encore présenter David Shaw? Ex-membre de feu Black Strobe aux côtés d’Ivan Smagghe et d’Arnaud Rebotini, moitié du duo DBFC avec son camarade de toujours Bertrand Lacombe de Dombrance et co-fondateur du label Her Majesty’s Ship (Yan Wagner, La Mverte…), David Shaw nous avait fait l’heureux cadeau d’un premier album solo en 2012 intitulé So It Goes.

Huit ans plus tard, c’est avec un nouvel EP que revient David Shaw and The Beat, traversé par la volonté d’insuffler davantage de spontanéité et intrinsèquement, de liberté à ce projet solo. C’est d’ailleurs tout ce qu’on retient des six nouveaux morceaux qui composent Love Songs with a Kick Vol. One : des créations plus directes, fusion de sex-pop et d’électronique (à guitares) avec “l’amour” comme fil conducteur. On aura connu plus subtil en matière de romantisme (les titres “My Tongue Your Spit”, “Skim The Cream” ou encore “Please Please Please”) mais vous voici prévenus : David Shaw n’y va pas avec des pincettes et proscrit les préliminaires (en tout cas, ceux trop longs) et le moins que l’on puisse dire, c’est que la recette s’avère efficace.

C’était notre dernier concert avant le confinement, le 12 mars à La Boule Noire. Déjà, en remontant les escaliers du métro Anvers, on avait constaté le boulevard Rochechouard vidé de ses touristes et de ses habitants. L’ambiance était à l’incertitude et on regardait sans trop d’envie la situation de nos voisins italiens en avance de quelques jours sur nous. Ce qui ne nous a pas empêché d’interviewer David Shaw ni de nous rendre à son concert dans une Boule Noire remplie à ras bord pour l’événement. Pendant son live, il nous a fait penser à plusieurs reprises à ce bon vieux Jad Wio : on s’est d’ailleurs demandé ce qu’il devenait et on a imaginé – non sans une certaine gêne – une version d'”Ophélie” spéciale Covid-19 avec des masques et des mesures de distanciation sociale. En attendant, place à l’interview du principal intéressé.
 

Le Bombardier : Alors, Love Songs with a Kick, Vol. One : ça veut dire que le deuxième est prêt ?

David Shaw : Il est en cours, on va faire des petits tests ce soir. Il y aura davantage de titres sur le volume 2, entre 8 et 10 morceaux. Là j’en suis à la moitié de la composition, je ne sais pas encore tout à fait quels morceaux figureront dessus. Je souhaiterais le sortir d’ici la fin de l’année. J’aime bien l’idée de faire au jour le jour. S’isoler plusieurs mois dans l’esprit de composer un album, ça me fatigue. Je suis plus du genre à composer des chansons les unes après les autres, je les compile et je les sors ensemble. Rien de révolutionnaire.
 

Dans une interview, tu insistais justement sur le côté spontané de tes morceaux, est-ce la première caractéristique de cet EP selon toi ?

Complètement. Ça n’a rien de révolutionnaire dans le sens où c’est un mode de fonctionnement qu’on retrouve beaucoup dans le hip-hop, dans cette tradition un peu ancienne des mixtapes. J’avance morceau après morceau et je propose ensuite ceux que je préfère.
 

Il y a un morceau dont tu es le plus fier sur le volume 1 ?

Pour être très honnête, et je pense que tu entends souvent cette réponse, j’ai mes préférés selon mes humeurs et mes moments. Ce que je trouve déjà bien, c’est que j’ai assez de plaisir à réécouter ce disque. Je fais souvent cette analogie quand on fait la cuisine pendant des heures pour des invités, qu’on les sert et qu’au final on n’a plus faim, on les regarde manger. Sortir un disque, c’est un peu cette idée-là, d’autant plus quand tu as répété pendant un moment pour te préparer aux concerts, tu peux saturer. Mais là j’ai une bonne distance avec ce disque, je ne dirais pas que j’en suis fier mais je suis content de ce que j’ai fait à ce moment précis. J’aime bien son énergie.

Ce que j’apprécie, c’est que j’ai pu faire comme avec mon premier album : tester les morceaux sur scène avant de les enregistrer et de les figer en studio. C’est ce que je préfère : composer un morceau, pouvoir le jouer sur scène pour le tester. Ça ne sert à rien de passer un temps considérable en studio pour se rendre compte sur scène que les morceaux ne fonctionnent pas, soit parce que tu n’arrives pas à les reproduire, soit parce qu’ils n’ont pas été pensé pour ça à la base. Les morceaux de ce nouvel EP, j’avais pu les tester lors de la première version de ce live, en fin d’année 2018. J’avais une première formation qui n’a pas tenue parce que chacun avait d’autres projets et en terme d’organisation ça n’avait pas pu se faire.
 


 

Quelle est ta configuration pour ce soir ?

En ce moment on est deux, avec Harmony. C’est une super musicienne et on fait une chouette équipe. Elle est au Mellotron-synthés-voix-tambourin et moi aux synthés, guitare et voix. On a chacun nos ateliers de jeu, c’est plutôt cool.
 

Tu as déménagé à Bruxelles depuis quelques temps, qu’est-ce que t’apporte cette ville artistiquement parlant ?

C’est une ville que je connais bien depuis pas mal de temps, j’y suis allé assez jeune quand je commençais à mixer avec mes premiers groupes. Forcément, la Belgique reste un pays important par rapport à tous les groupes liés à la musique électronique qui font partie de mes influences. Maintenant que j’y vis, c’est hyper inspirant. Je retrouve parfois ce qui me manque de l’Angleterre, je trouve qu’il y a des similitudes sur pas mal d’aspects. Au-delà de la musique, il n’y a pas à dire, les Belges sont mortels. En tout cas, ça me convient absolument d’un point de vue environnement, culturel, quotidien : que ce soit les gens, la circulation, la mobilité, je m’y retrouve. A un moment, faire une heure de transports dans Paris pour aller d’un point A à un point B, ça me gavait, en plus de la mauvaise humeur de machin qui déteint sur toi et du fait que tu deviens tendu : je n’ai pas envie de ça dans ma vie.

Je ne veux pas faire le vieux con mais j’ai 40 ans, j’ai passé 25 ans en France. Ce pays défonce pour plein de choses mais en plus, vue la situation de ce pays ces derniers temps, je suis bien content d’être en Belgique désormais !
 

Qu’est-ce que t’apporte ton label Her Majesty’s Ship en termes de liberté, de rencontres ? Ça va faire un petit moment qu’il tourne, bientôt 10 ans je crois ?

On l’a monté en 2010-2011 pour sortir mon premier EP et poursuivre avec l’album sorti en 2012, avec ma meilleure pote et associée Charlotte Decroix qui clairement en est la mastermind. C’est une réalité, je n’aurai pas pu faire ça sans elle, ça n’aurait pas été pareil. Ça m’a permis de rencontrer pas mal de monde et au fil des rencontres j’en ai signés quelques uns : Alexandre de La Mverte, Yan Wagner, Sarah Rebecca… Ça vaut ce que ça vaut, il y a des artistes que je préfère par rapport à d’autres mais c’est normal. Les circonstances et les rencontres font que j’ai été content de sortir leurs disques et de partager cette aventure avec eux.
 

Quels sont tes projets à venir ? J’ai entendu dire qu’un nouveau DBFC se profilait…

Le volume 2 de Love Songs With a Kick déjà. Il n’y a pas vraiment de nouveau DBFC pour l’instant. Avec mon frère d’armes Bertrand, on a une grande histoire d’amour ensemble. Comme chaque formation, on avait besoin d’un petit reset et d’exprimer chacun de notre côté d’autres choses. Il fait Dombrance, un projet qui tourne super bien, il est au Mexique au moment où je te parle. Mais effectivement ça nous chatouille un peu, on aimerait sortir un nouveau morceau qui déboîte sans faire d’énorme annonce, juste revenir tranquillement avec un track.
 

Qu’est-ce que tu écoutes en ce moment ?

J’ai écouté le nouveau King Krule que je trouve très cool, Crows que j’aime beaucoup aussi. J’ai écouté le dernier Black Lips, je suis un grand fan, j’ai été un peu déçu même si je suis toujours content de les entendre.
 

Love Songs with a Kick Vol. One est disponible ici.