D’en haut, ils appellent ce que nous vivons “une année noire pour la culture” : une année où depuis mars dernier, les concerts sont interdits et les regroupements synonymes de danger. Nombreux sont ceux – organisateurs, programmateurs, tourneurs, régisseurs, artistes – qui aujourd’hui cherchent à se réinventer pour pouvoir (ou du moins essayer) maintenir leur activité et créer une nouvelle forme de lien social, en dépit de nouvelles mesures sanitaires et gouvernementales.
Pour témoigner ensemble d’un temps qui n’est plus vraiment, où l’on pouvait sortir le soir, aller à des concerts, rencontrer des gens et bien d’autres choses encore, pour se rappeler des plaisirs que nous procurent ces événements, ces lieux, ces personnes, on a demandé à plusieurs artistes et différents acteurs du milieu musical de nous raconter leurs souvenirs de concerts. Les meilleurs comme les pires, vécus en tant que musiciens ou spectateurs, pour se remémorer l’importance primordiale de ces moments de vie culturelle et sociale. Comme un recueil où chacun pourra y laisser son mot dans l’attente et l’espoir qu’un jour proche, on puisse retrouver ce qui nous anime le plus.
Aujourd’hui, c’est au tour de Galo DC d’écrire la première page de ce nouveau format : il a choisi de nous narrer un concert mi-réel, mi-inventé sur la base de ses propres souvenirs. Celui-ci vient de sortir son nouveau single “A La Plage”, sorte de Paris Plage neurasthénique du 19ème arrondissement si l’on ose, toujours aussi esthétique et imagé et surtout, porteur d’un message d’espoir ensoleillé pour l’avenir.
Ça y est, on arrive.
Méga énervés parce qu’on arrive avec un retard non négligeable. On est partis beaucoup trop tard ( – quoi ? Mais c’est toi qui devait passer me chercher ! De toute façon mon matos est trop lourd, je ne pouvais pas prendre les transports). Nous nous sommes aussi plantés deux fois de chemin… ( – putain mais regarde le GPS ! ). Sur place, impossible de trouver l’entrée des artistes et le/la régisseur.se ne répond pas, il n’y a pas de réseau dans la salle.
Une porte s’ouvre, une porte qu’on n’aurait pas devinée si elle ne s’était pas ouverte. Une personne sort, homme ou femme, avec un nombre incalculable de poches sur ses vêtements, et allume sa cigarette dans l’embrasure.
– Hey! C’est toi Galo DC? Ton ingé son est déjà là (désolé Florent pour le nombre de plans…). Je suis le/la régisseur.se.
On s’excuse, on est en retard. C’est la moindre des choses.
Réponse:
– Aucun souci, le groupe avant vous n’a pas terminé ses balances, et de toute façon on peut déborder (version Galo en première partie).
– Aucun souci, on est large, le groupe qui balance après vous a des galères (version Galo star de la soirée).On déballe, on découvre les loges, on branche le matériel. Je subis pendant une demi-heure les “poum poum poum poum” provenant de la grosse caisse de Max dont Florent, notre ingé son, cherche le sub qui fera vibrer nos entrailles, puis une demi-heure de “tchak tchak tchak tchak” de la caisse claire ( – mais merde, y a une raisonnance là non ? )
C’est bon, la batterie groove. Ma voix brille de mille feux, ma guitare crépite, les samples sont au cordeau et les beats explosent : la balance est terminée. On dépasse le planning prévu d’une heure. Laaaaarge.En attendant le repas, on se prend une bière (attends, il est que 15h). On attend. On se ballade. On attend. On regarde les balances du groupe suivant (“poum poum tchak tchak”). On attend. On fait un tour. On attend. On range le matériel en loge (quand il y en a) et on découvre ce qu’ont laissé les locataires précédents (principalement, des gravures sur bois de table et sur ciment de mur, du plus bel effet). On attend. On mange. Le dîner, c’est plutôt avant les concerts, mais c’est rare. Je peux vous dire que parfois c’est bien dommage (cacedédi aux cuisines du Pop-Up du Label et du Café de la Danse à Paris). On attend.
Le/la régisseur.se m’annonce que ça va être à nous de monter sur scène. J’ai rarement l’impression d’avoir le trac mais on me rappelle que c’est sûrement faux, vu mon débit de parole (globalement plus personne ne me comprend). Et la petite contraction au niveau du plexus ne trompe pas.
Les lumières s’éteignent, c’est ouf, y’a des gens dans la salle. J’essaie de pas me prendre les pieds dans les câbles (je suis un peu tendu ça n’aide pas). Dès les premières notes, c’est parti. Des flashs. Des regards en contrejour. Des gens qui ondulent. Flash. Entre deux morceaux, je prononce une phrase que personne ne comprend. Derrière sa batterie, Max me fait comprendre que lui non plus n’a aucune idée de ce que je raconte. Flash. Roulements de batterie et grosse fuzz sous les stroboscopes. Flash. Grosse basse samplée qui démarre, tout le monde hoche la tête. Je pose ma guitare. J’attrape le micro et je m’avance. Je kiffe, je suis en maîtrise, petite sensation de présent éternel, petite épiphanie. Le public semble kiffer aussi. Flash. Applaudissements. Parfois esseulés (bah ouais, parfois le public est nombreux, d’autres fois moins). Flash. FlashFlashFlash.
Voilà, c’est fini. Sérénité. Détente. Impression du devoir accompli. On sait qu’il faudrait déjà se mettre à démonter le matériel. Qu’il faudrait déjà tout ranger dans le véhicule. Qu’il faudrait déjà partir. Mais on fait durer. On discute. On profite.
Et on recommencera. Bientôt.
“A La Plage”, le nouveau single de Galo DC est disponible ici.